Les timbres à l’effigie de la Semeuse camée ont été
imprimés par typographie à plat ou en rotative. La Semeuse camée 5 c verte l’a
été exclusivement en typographie à plat alors que d’autres ont connu (ou subi)
les deux types d’impressions. En toute subjectivité, je vais me focaliser sur la Semeuse 5c verte au type I qui fut
imprimée sous trois types de feuilles et donc avec 3 formes d’impression :
-Les feuilles
de vente contenant 300 timbres imprimés en 6 blocs de 2 fois 25 timbres
puis coupées en deux verticalement pour donner des feuilles de vente (au
détail) de 150 timbres (Fig.1). Chaque ensemble de 2 x 25 timbres espacé par le
pont des millésimes est une copie du galvanotype appelé galvano de service.
- Les feuilles
de roulettes contenant 300 timbres imprimés en 4 blocs de 75 timbres
séparés verticalement puis coupées en 2 feuilles de 150 timbres (2 blocs de
75). Elles sont ensuite coupées en feuilles de roulettes de 150 timbres puis
chacune d’entre elle en bandes verticales de 15 timbres et raboutées entre
elles pour donner des bobines de 600 timbres. Ces bobines appelées roulettes
permettront de vendre les timbres sur des distributeurs comme l’explique fort
bien Jean Luc dans son blog
(Fig.1). Tout comme les feuilles de vente, chaque ensemble de 2 x 25 timbres espacé
par le pont des millésimes est une copie du galvanotype appelé galvano de
service.
- les feuilles
de carnets imprimées en feuilles de 240 timbres répartis en 12 blocs de 20
timbres puis coupées verticalement en 2 feuilles de 120 timbres (Fig.1). Chaque
bloc de 4 x 10 timbres espacé par le pont (sans millésime) est une copie du
galvanotype.
Fig.1 : demi-feuilles
de vente (gauche), de roulette (centre) et de carnet (droite)
(Illustrations
semeuse13, Philippe L. et Jean Luc)
Comme je l’expliquais dans mon article du 6
Octobre 2019, le poinçon original avec la faciale gravée dessus est copié
50 fois pour donner le galvanotype agencé en 2 x 25 copies espacées par le pont
où sera ensuite enchâssé le millésime. Ce galvanotype est ensuite copié en 6
galvanos de service qui seront assemblés comme souhaité et visés sur un support
en bois pour réaliser la forme d’impression des feuilles de vente ou de
roulette. Dans le cas des carnets, il existe, théoriquement, plusieurs
possibilités :
1) On réalise un galvanotype spécifique des carnets
avec 40 copies du poinçon original qui donnera ensuite 6 galvanos de service assemblés
de telle sorte que l’on puisse obtenir une forme d’impression spécifique des
carnets ou
2) On réalise une copie en plomb (ou en cire) du galvanotype
de 2 x 50 des feuilles de vente que l’on retravaille de telle sorte que la
troisième rangée de timbre soit éliminée par burinage (ou chauffage si copie en
cire). Cette copie peut alors être passée en galvanoplastie pour reformer un
galvanotype spécifique des carnets et être copié en 6 galvanos de service pour
obtenir une forme d’impression spécifique des carnets ou
3) On fabrique 6 galvanos de service à partir du
galvanotype des feuilles de vente sur lesquels on va découper la troisième
rangée de timbre. On obtient ainsi 12 demi-galvanos de service que l’on fixera
sur le support en bois de la forme d’impression de telle sorte que l’on puisse
imprimer des feuilles de carnet.
Aujourd’hui il est difficile de trancher entre ces
3 hypothèses. La première peut entrainer une usure prématurée du poinçon
original car il subit 50 copies pour les feuilles de vente et 40 pour celle des
feuilles de carnet. De plus la réalisation d’un galvanotype est longue donc
couteuse. La deuxième hypothèse est moins traumatisante pour le poinçon mais
longue elle aussi car on réalise une galvanoplastie. Enfin la troisième est
plus rapide donc plus rentable mais parait plus « artisanale » …
Un moyen d’essayer de répondre à cette
interrogation est d’étudier les variétés de galvano que l’on peut identifier
sur une feuille de timbre. Théoriquement, tous les timbres d’une feuille
(carnet ou roulette ou de vente) sont parfaitement identiques en terme de
graphisme au poinçon original. Intuitivement, on se doute qu’avec les moyens
techniques des années 1907, les multiples copies du poinçon original n’étaient
pas toutes « parfaites ». L’intuition n’étant pas une science exacte,
il convient de la vérifier par des faits concrets.
Une analyse poussée (avec les outils numériques du
XXIème siècle) d’une ou plusieurs feuilles montre qu’il existe parfois quelques
infimes variations dans le produit de l’impression qu’est un timbre. Lorsque
ces variations apparaissent de façon aléatoire sur une feuille, on parlera de variétés d’impression dues à un corps
étranger qui s’est glissé entre feuille et forme ou à un mauvais réglage de la
machine lors de la mise en train. En revanche, lorsque cette
« erreur » (par rapport au poinçon original) se répète
systématiquement au même endroit sur tous les galvanos de service de la forme
d’impression (par exemple timbre 5 du galvano et donc timbre 5, 55 et 105 d’une
feuille) sur toutes les feuilles, on parlera de variété de galvanotype. Enfin, si ce timbre 5 est modifié
uniquement sur le 2eme galvano de la forme d’impression (position 55
de la feuille) mais sur plusieurs feuilles, on parlera de variété de galvano de service.
Jean
Luc, dans son analyse approfondie des roulettes, avait identifié plusieurs
variétés de galvano-type et de galvano de service tant sur la Semeuse 5 c verte
que sur la Semeuse 10c rouge. Ce travail d’observation est d’autant plus
difficile qu’il faut avoir de très bons scans de feuilles entières ou au moins
de 50 timbres ce qui n’est pas simple à obtenir. Les blocs plus petits servent
souvent à confirmer les trouvailles incertaines. Ce travail de fourmi (très)
patiente a fait des émules tels que Patrick R. avec la Semeuse lignée 15 c ou Patrice avec la Semeuse lignée 10 c. De mon
côté, j’avais complété le travail de Jean Luc sur la Semeuse 5 c en identifiant
quelques variétés supplémentaires que j’avais publié dans mon précédent blog aujourd’hui
disparu dans les méandres du net.
La première constatation faite par Jean Luc grâce
aux variétés de galvanotypes des roulettes de la Semeuse 5 c verte c’est que l’on
retrouvait exactement les même variétés de galvanotype sur les feuilles de
vente. Cela prouvait donc que les galvanos de service des feuilles de roulette
et de vente étaient tous des copies d’un même galvanotype. On s’en doutait « intuitivement »
mais la preuve matérielle est très préférable à l’intuition pour réaliser une
démonstration indiscutable. Pour faciliter le repérage des variétés, un
quadrillage a été réalisé sur la Semeuse 5 c en se référant au coin supérieur
gauche (Fig.2).
Figure 2 :
Quadrillage utilisé pour repérer les variétés de galvano sur la semeuse 5 c
verte
J’ai fait ci-dessous une synthèse des différentes
variétés de galvanotype pour la Semeuse 5 c connues à ce jour (Fig.3). J’ai
suivi la logique « occidentale » pour la numérotation des timbres à
savoir lecture de haut en bas et de gauche à droite. De ce fait, le timbre 1 est
en haut à gauche du galvanotype, le timbre 5 juste avant le pont des
millésimes, le timbre 6 juste après ce pont sur la première ligne, le timbre 10
en haut à droite, le timbre 11 au début de la deuxième ligne et ainsi de suite
jusqu’au timbre 50 en bas à droite.
Figure 3 :
Ensemble des variétés de galvanotype identifiées sur les feuilles de vente et
de roulette de la Semeuse 5 c verte
Ces feuilles de
ventes et de roulettes furent commercialisées respectivement le 19 Mars 1907 et
le 13 mars 1908. Toutefois, les premières semeuses 5 c vertes commercialisée le
furent le 6 Mars 1907 sous la forme de carnet (le 5 Mars 1907 pour les
parlementaires). Ces carnets de 40 Semeuses 5 c vertes (2 x 20) sont
au type I comme les feuilles de vente et de roulette mais ils sont rares et il
n’est donc pas simple de se les procurer de nos jours. De ce fait, il n’y a pas
eu de recherche de variétés de galvanotype réalisée récemment sur ces carnets
exception faite des travaux de Pierre de Lizeray (Cf ci-dessous)
Il faut savoir que lors de la fabrication de ces
carnets, les feuilles imprimées de 240 timbres étaient massicotées
verticalement pour donner 2 feuilles de 120 timbres (cf ci-dessus). Dans ces
tas de feuilles de 120 timbres, on prenait 2 feuilles à suivre, on glissait une
feuille hydrophobe translucide entre les 2 pour éviter que les timbres ne
collent entre eux puis on plaçait le tout sur un papier cartonné où étaient
imprimées les inscriptions des couvertures des carnets (Fig.4). Après agrafage,
il y avait massicotage de l’ensemble horizontalement et on obtenait 6 carnets
prêts à être plié en 2. En conséquence, un carnet contient 2 blocs de 20
timbres issus de 2 feuilles différentes mais imprimées avec la même zone du
galvanotype et du même galvano de service sauf cas exceptionnel (jonction entre
2 tas de feuille massicotées.
Fig.4 :
feuille cartonnée de couverture de carnet (manque partie basses)
(Illustration
semeuse13)
Pierre de Lizeray avait étudié ces carnets afin d’identifier
des spécificités graphiques permettant de les distinguer des timbres issus des
feuilles de vente ou de roulette. Sa conclusion avait été que certains de ces
timbres de carnet avaient une « tache parasite » dans la robe. Cette
spécificité était présente sur les timbres 16 à 20, 26 à 30 et 36 à 40. Cela
avait donné naissance au « type IB » spécifique des carnets mais il s’est
avéré que cette spécificité se retrouvait aussi sur quelques timbres issus de
feuilles de ventes (cf mon article du 8
Juin 2019). Toutefois cette découverte a un intérêt majeur : elle permet de
différencier les carnets issus des parties hautes (carnets avec tache en cases
16 à 20) ou des parties basses (carnets avec taches en cases 26 à30 et 36 à 40)
du galvanotype (Fig.5).
Figure 5 :
Position des taches (T) identifiées par Pierre de Lizeray sur les carnets de la
Semeuse 5 c verte
Grace à ce travail
de départ, il est donc possible de classer les carnets en 2 groupes : ceux
du haut et ceux du bas de galvanotype et de chercher des variétés de case des
galvanotypes. Partant de là, j’ai collecté des scans de bonne
qualité de ces carnets de la Semeuse 5 c verte au type I auprès de plusieurs collectionneurs
de Semeuses ou de carnets (L. Coutan, semeuse13, Patrick R., …), auprès de
marchands (Cérès, la postale) ou auprès du musée de la poste, . Au final, j’ai obtenu
le scan de :
- 15 carnets correspondants à des hauts de GT
(dont 12 carnets haut de feuille)
- 10 carnets correspondants à des bas de GT
Ce n’est pas énorme statistiquement parlant mais très suffisant pour
effectuer des recherches de variétés de cases de GT ou de GS. Dans la figure 6 ci-dessous
sont indiquées toutes les variétés de galvanotype repérées.
Figure 6 :
Variétés de galvanotype repérées sur les carnets de la Semeuse 5 c au type I
Si l’on compare
ces variétés de GT de carnets à celles des feuilles de vente ou de roulette, on
constate qu’il n’y en a pas une en commun. En conséquence, on peut en déduire qu’il
n’y a pas eu copie du GT des feuilles de vente ou roulette pour réaliser celui
des feuilles de carnet (hypothèses 2 et 3 émises au début). On peut donc en
conclure qu’il y a bien eu un galvanotype des feuilles de carnets spécifique et
indépendant de celui des feuilles de vente. Pour la petite histoire, sachez qu’il
y a aussi 17 variétés de galvano de service identifiées sur ces carnets. Il
faut noter que les 12 carnets issus de haut de feuille ont tous les mêmes
variétés de GS suggérant qu’il n’y a peut-être eu qu’une seule forme d’impression
pour ces carnets. Étant donné que le tirage de ce carnet est
inconnu, il est difficile de savoir si cette hypothèse est plausible ou pas …. dans
l’immédiat.
Bravo !
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