Nombre total de pages vues

mercredi 9 octobre 2019

Les ponts ... encore ...


                Nicolas C. vient de me faire parvenir 147 nouveaux scans de millésimes des Semeuses 137 à 142. J’en profite donc pour faire une synthèse de tous les résultats sur l’ensemble des 1275 millésimes analysés.
Pour mémoire, ces mesures sont faites en considérant qu’il y a une erreur de mesure de +/- 0,2 mm. On constate rapidement que les Semeuses les plus étudiées historiquement (137, 138 et 140) sont sur-représentées par rapport aux autres dans cette étude (Tableau 1).


Tableau 1 : nombre de millésimes analysés par Semeuse

Leur analyse confirme les informations obtenues précédemment. Tout d’abord les Semeuses 137 (5 c), 139 (20 c) et 142 (35 c) ne présentent pas de variétés dans la largeur de leur pont qui mesure 12,20 mm à 12,30 mm soit la demi largeur d’un timbre (Tableau 2). Cela sous-entend que les formes d’impression sont restées identiques du début à la fin de leur fabrication sans aucune retouche des galvanos de service. Autant pour les Semeuses 139 et 142 cela peut se comprendre car leur tirage fut moindre mais pour la Semeuse 137 c’est surprenant vu le nombre de timbres imprimés à cette faciale. Ceci est d’autant plus vrai quand l’on sait que les deux autres Semeuses à fort tirage (138 et 140) ont vu leurs galvanos de service retouchés à plusieurs reprises comme le montre par exemple la case 13 au type IA des carnets de la Semeuse 138 ainsi que les mesures de leurs ponts (Cf ci-dessous).


Tableau 2 : Mesure des ponts pour les millésimes des Semeuses 137, 139 et 142

            Pour la Semeuse 141 (30 c) on constate dès 1907, l’année de son émission, l’existence de deux largeurs de pont (Tableau 3). On peut donc en déduire qu’il existait dès le départ deux formes d’impression. L’autre hypothèse, c’est que les imprimeurs aient créé une forme ayant deux largeurs de ponts différentes … surprenant de la part de techniciens aussi expérimentés. Seule l’analyse de feuilles entières de cette Semeuse permettrait de trancher entre les deux hypothèses. Étant donné que cette Semeuse fut imprimée de 1907 à 1920, cette dernière hypothèse est très improbable. A l’inverse, on peut se demander comment cet écart s’est conservé au cours des années ? La seule hypothèse qui vient à l’esprit c’est que les formes d’impression ont été conservées tout au long de ces années ce qui sous-entend qu’il y a eu de faibles tirages chaque année pour ne pas user les galvanos de service ce qui provoquerait leur changement et donc une modification dans les tailles des ponts.


Tableau 3 : Mesure des ponts pour les millésimes de la Semeuse 141

            En ce qui concerne la Semeuse 140, on observe trois largeurs de ponts (Tableau 4). Au début de son émission et pendant les 4 années qui suivent, les ponts font 12,00 mm en moyenne. À partir de 1911, on constate l’apparition de ponts de 12,60 mm jusqu’en 1914. Un millésime a même été mesuré à 13,00 en 1911. En revanche les petits ponts de 12,00 mm disparaissent pendant cette période. Ceci suggère que les formes d’impressions ont été refaites entièrement sans doute en raison de l’usure des galvanos de service. Étant donné que cette Semeuse a eu un très gros tirage, il n’est pas surprenant que l’usure apparaisse assez « rapidement ».  En 1915, à nouveau après 4 ans d’impression, les ponts reviennent à leur taille initiale de 12,00 mm. On peut donc supposer que la durée de vie des galvanos de service était de 4 ans pour des tirages aussi importants. Cette largeur de pont se maintiendra jusqu’en 1923 où on cessa de l’imprimer en typographie à plat avec ce type IA. En revanche, le type III imprimé à plat en 1923 et 1924 a une largeur de pont de 11,30 mm qui est la plus faible connue. Cela confirme que ces variations apparaissent lors de la création de nouvelles formes d’impression.


Tableau 4 : Mesure des ponts pour les millésimes de la Semeuse 140

            Enfin, la Semeuse 138 est la plus complexe de toutes. En effet, on peut mesurer jusqu’à 3 largeurs de pont différentes la même année (tableau 5). Lors de son émission, on retrouve, à l’image de la Semeuse 141, deux largeurs de pont (12,40 et 11,80 mm contre 12,30 et 11,70 mm pour la Semeuse 141). Cet écart de 0,6 mm et cette coexistence se maintiendra quasiment tout au long de son impression jusqu’en 1921 à l’exception des années 1913, 1914, 1915 et 1921. A l’image de la Semeuse 140, on voit apparaitre une 3eme largeur de pont (13,00 mm) en 1911 jusqu’en 1915 mais en faible quantité malgré les 324 millésimes analysés. Dans l’étude des millésimes de cette Semeuse, on notera l’existence de 6 millésimes de 12,10 mm qui sont juste à la jonction des ponts de 12,40 mm (12,60 à 12,20 mm) et des ponts de 11,80 mm (11,60 à 12,00 mm). Est-ce dû a des erreurs de mesure ou à l’existence d’une quatrième largeur de pont ? Difficile de répondre en l’état même si intuitivement je pencherai pour la première hypothèse.

Tableau 5 : Mesure des ponts pour les millésimes de la Semeuse 138

            Cette étude sur les largeurs des ponts pourrait être continuée à « l’infini » mais elle ne présente plus beaucoup d’intérêts pour les Semeuses 137, 138 et 140 vu le nombre de millésimes analysés. L’analyse des ponts sur des feuilles entière pourrait peut-être apporter des informations complémentaires mais encore faut-il en trouver un nombre suffisant ! En revanche, la poursuite de l’étude pourrait se justifier pour les autres Semeuses (139, 141, 142) où l’échantillonnage testé est beaucoup moins important. N’oublions pas qu’il faut encore regarder du côté des Semeuses lignées … mais là il va être beaucoup plus difficile de trouver de nombreux millésimes vu leur rareté.

dimanche 6 octobre 2019

Du poinçon à l'impression typographique à plat de la semeuse camée (1/2)



Pour beaucoup de philatélistes, le process de création et de fabrication d’un timbre est quelque chose d’assez flou. De nombreux philatélistes historiques et de renom ont déjà traité le sujet (P. de Lizeray, R. Joany, J. Storch, R. Francon…) mais de nos jours leurs articles sont difficiles à trouver et sont complémentaires les uns les autres. J’ai donc choisi de reprendre ce sujet en y synthétisant leurs apports respectifs et en y ajoutant le savoir et le savoir-faire de « papy24 » dont le métier était d’imprimer des timbres. Son aide me fut précieuse pour bien comprendre ce qui se passait réellement sur le terrain et je l’en remercie. Je remercie aussi les intervenants du forum indépendant des collectionneurs pour leurs remarques. La diffusion sur ce blog rendra cette information plus accessible à tous ceux qui n’ont pas une bibliothèque philatélique digne de l’académie. Je vais donc vous décrire les différentes étapes qui vont de la création du poinçon original jusqu’à la création de la forme d’impression qui permet d’imprimer les timbres. Dans ce premier article, je limiterai mon propos à la typographie à plat utilisée pour l’impression des Semeuses.

1)    Création du coin original ou du poinçon original
En ce qui concerne les Semeuses imprimées par typographie à plat, les graveurs furent Louis Eugène MOUCHON (1843-1914) en 1903 puis Jean Baptiste LHOMME (1885-1916) en 1907.
Le rôle du graveur est de créer un coin original qui est la gravure d’une plaque de bronze (7 cm x 8 cm) de telle sorte que l'on ait en relief tout ce qui sera blanc au final sur le timbre (c'est la taille d'épargne) (Fig.1). Si le timbre doit être vendu sous plusieurs faciales, un espace libre sera laissé intact (Fig.2) alors que si ce timbre doit être émis sous une seule faciale sinon celle-ci est gravée sur le coin original.


Fig.1 : Graveur réalisant un poinçon original

(illustration du musée de la poste)

 Concernant les Semeuses, l’Histoire rapportée par des philatélistes historiques (Maury, De Vinck, Barrier, Storch, Françon, De Lizeray …) veut que le graveur L.E. MOUCHON ait créé le coin original des Semeuses lignées sans valeur. Ce coin est conservé au musée de la poste. Les Semeuses furent déclinées sous plusieurs versions au cours des années (avec ou sans téton, avec ou sans sol, maigres ou grasses). Il ne subsisterait que 2 « vrais coins originaux » gravé sur bronze au musée de la poste : celui de la Semeuse lignée sans valeur et celui de la Semeuse avec soleil levant (Fig.2).



Figure 2 : Coin original de la Semeuse avec soleil levant avec emplacement de la faciale préservé
(Storch et Françon, Les timbres-poste au type Semeuse camée de 1907, tome 1, p16)


L’Histoire « rapportée » par la littérature philatélique indique que toutes les Semeuses n’ont eu qu’un seul coin original (celui de L.E. Mouchon) qui fut copié sous la forme d’un poinçon secondaire (Cf paragraphe 2) en cuivre pour y faire les modifications souhaitées (Fig.3).


Fig.3 : Photo du « poinçon de la Semeuse avec sol » avec sa faciale unique
(Storch et Françon, Les timbres-poste au type Semeuse camée de 1907, tome 1, p21)

Le coin original est la référence absolue concernant le dessin du timbre car imprimé sur tous les timbres issus de ce coin. Il est parfois appelé poinçon original mais le terme de poinçon est plus approprié pour les copies ultérieures en cuivre de ce coin original qui lui est en bronze. Cette confusion entre coin original (gravure sur bronze unique) et poinçon +/- original (copie en cuivre) est source de nombreuses confusions.

2)    Création des poinçons (secondaires) sans valeur
Dans le cas des Semeuses, plusieurs faciales seront utilisées. Il faut donc réaliser des copies appelées poinçon secondaire sans valeur ou poinçon servant d’original comme le nomme R. JOANY dans « les outils de fabrication des timbres postes » en 1971.
Dans un premier temps, il s’agit de créer une copie en plomb du coin original. Pour cela, on place une plaque de plomb aux dimensions précises du futur timbre et des perforations au-dessus du coin original. Le flan de plomb est entouré d’une virole (cadre en acier) pour ne pas bouger latéralement puis on dépose un contre poinçon sur lequel on va exercer une pression grâce à la presse hydraulique s’il s’agit d’un coin comme modèle (ou d’une presse monétaire à balancier s’il s’agit d’un poinçon secondaire). On obtient ainsi une copie inversée appelée flan de plomb où les parties en creux (noir sur Fig.4) seront les futures parties encrées et donc imprimées sur le papier. On répète cette opération plusieurs fois si on prévoit de graver plusieurs faciales différentes.



Fig.4 : Copie en plomb de l’original gravé sur bronze

Un matériau possède une certaine élasticité qui lui permet de ne pas se déformer de façon irréversible lorsqu’il subit une pression. Au-delà de cette limite élastique (Re), la déformation subie est définitive. Cette valeur se mesure en MégaPascal (Mpa). Le poinçon est réalisé en bronze qui est un alliage de cuivre et d’étain mais on peut aussi y ajouter d’autres composés (phosphore, plomb, berylium, zinc, ...). Etant donné que nous ne connaissons pas le type de bronze utilisé pour la gravure originale, je vais bâtir mon raisonnement sur une valeur « moyenne » de la limite élastique du bronze qui est 120 MPa alors que celle du plomb est de 1.4 MPa et celle du cuivre de 40 MPa. Il est donc aisé d’obtenir une excellente copie en plomb du poinçon original sans l’abimer sous réserve de ne pas exercer une pression supérieure à 120 MPa.

Dans un deuxième temps, le flan de plomb doit être copié en cuivre. Pour cela, on enduit le flan de plomb de cire sur toute les zones où l’on ne souhaite pas avoir de dépôt de cuivre et l’on place ce flan de plomb dans un bain de galvanoplastie (c’est une électrolyse) contenant du sulfate de cuivre (CuSO4) ce qui va entrainer un dépôt compact d’environ deux millimètres de cuivre sur toutes les zones conductrices et non protégées par la cire (Fig. 5). Cette opération dure environ 72 heures.


Figure 5 : principe de la galvanoplastie

Une fois le plomb séparé de sa copie en cuivre (en abimant obligatoirement le plomb afin de préserver la copie en cuivre qui servira pour la suite), on va donc obtenir une copie identique au coin original mais en cuivre (Fig.6).


Figure 6 : Copie à l’identique de l’original

mais en cuivre appelé poinçon secondaire sans valeur

Cette copie sera ensuite rabotée au dos et fixée sur un bloc d’acier afin de la rigidifier car l’épaisseur de cuivre est limitée. Elle est appelée poinçon secondaire sans valeur. Ce poinçon peut aussi être retouché si l’on souhaite créer une nouvelle version de ce timbre.
Pour les Semeuses avec sol, maigres et camées, il n’y aurait sans doute jamais eu de coin original mais seulement des poinçons secondaires du coin de la Semeuse lignée d’origine. Ces copies ont vraisemblablement été retouchées (suppression des lignes ou du soleil, création d’un sol, élargissement des gravures des lettres, creusement des contours des sacs et du bras …) et ont été rebaptisés « poinçon originaux ». En effet, ils sont décrits comme des plaques de cuivre épaisses de 2 mm fixées sur une plaque support en laiton ou un bloc d’acier. Parmi ceux-ci, les « fameux » M1 de L.E. MOUCHON et le L2 de J.B. LHOMME. Les traits des Semeuses lignées, avec sol, maigres et camées sont identiques au niveau des traits de la robe ce qui confirme que tous ces timbres ont le même poinçon original : celui de la Semeuse lignée de 1903. C’est aussi pour cela que la signature de L.E. MOUCHON est toujours présente au bas de toutes les Semeuses, c’est le seul à avoir gravé le coin des Semeuses car les autres ne firent que des retouches (parfois majeures) sur les poinçons secondaires sans valeur.

3)    Création du poinçon secondaire avec valeur
Cette copie en cuivre va alors être remise au graveur pour qu’il vérifie la qualité de la copie et qu’il grave la faciale souhaitée (6 faciales différentes en 1907). Il peut aussi le modifier plus en « profondeur » s’il le souhaite (Cf ci-dessus avec les poinçons M1 et L2). Cette pièce de cuivre fixée sur un bloc d’acier et gravée d’une faciale précise est appelée poinçon secondaire avec valeur ou poinçon secondaire avec valeur servant d’original (Fig.7 et 8).



Fig.7 : Poinçon (secondaire) avec valeur servant d’original


Fig.8 : Photo du « poinçon de la Semeuse maigre 10 c » avec sa faciale unique
(Storch et Françon, Les timbres-poste au type Semeuse camée de 1907, tome 1, p27)

Théoriquement tous les timbres Semeuse camée avec cette faciale ont les particularités graphiques de ce poinçon. On parle alors d’un type car il correspond à un poinçon avec valeur bien précise, indépendamment de la couleur d’impression par la suite (Semeuse 137 verte puis 158 orange ou Semeuse 141 orange puis 160 rouge puis 191 rose …). La définition du mot type en philatélie sera traitée ultérieurement. La question est de savoir combien de poinçons avec valeur ont été réellement créés pour un timbre précis (Semeuse camée, Semeuse lignée, pasteur …) et une faciale précise (5c, 10c, 25c…). D’après Pierre de Lizeray dans « les poinçons Semeuses du musée postal » (1955, Vol I, p14) nombre de poinçons avec valeur ont été fondus une fois considérés comme inutilisables.

Du poinçon à l'impression typographique à plat de la semeuse camée (2/2)



4)    Création d’un galvano-type
Le poinçon avec valeur est LA référence pour un timbre précis, une faciale donnée et une technique d’impression. À partir du poinçon avec valeur, on réalise 50 copies ou flans en plomb (Fig.9).


Fig.9 : Copie en plomb du poinçon avec valeur

Ces copies sont assemblées les unes contre les autres avec la face sculptée contre un marbre plan selon la disposition souhaitée (feuille vente, de roulette ou carnet) pour former un galvano-type. Ces différentes copies agencées en galvano-type et entourées de blancs de marge représentant les zones de part et d’autre des blocs de timbres qui doivent rester blanches à l’impression. Ces blancs de marge sont saillants. L’ensemble est maintenu en l’état grâce à un cadre en bronze servant de châssis que l’on nomme « frette » (Fig.10). On pouvait alors solidariser toutes ces copies en plomb en coulant au dos de la cire qui permettait aussi qu’il n’y ait pas de dépôt de cuivre au dos car la cire n’est pas conductrice. Bien entendu l’espace entre chaque timbre est suffisant pour que les perforations ultérieures puissent se faire sans abimer la partie imprimée du timbre.


Fig.10 : Assemblage des 50 copies en plomb et des blancs de marge

pour former un galvano-type de feuille de vente

            Cet assemblage est à nouveau passé au bain de galvanoplastie pour obtenir une copie monobloc en cuivre de 2 mm d’épaisseur de ce galvano-type en plomb (Fig.11).


Fig.11 : Galvano-type en cuivre pour les feuilles de vente ou de roulette

Toutefois, la fine couche de cuivre de ce galvano-type monobloc est rigidifiée en le plaçant contre un marbre (face gravée contre le marbre) et en coulant un mélange de plomb et d’antimoine au-dessus. Afin d’obtenir une surface parfaitement plane sur tout le galvanotype, on utilise un taquoir en hêtre pour « taquer » le galvano c’est à dire faire descendre les sculptures trop saillantes (coté sculpture) et à l’inverse on utilise un matoir en acier et un feutre côté mélange plomb/antimoine pour faire remonter les zones enfoncées. Il est ensuite raboté (coté plomb/antimoine) pour obtenir une épaisseur finale de 5 mm. À ce stade le graveur peut encore intervenir au cas où il y aurait une dérive par rapport à l’original.
La réalisation d’un galvano-type prendrait entre 3 et 4 semaines donc cette pièce est conservée précieusement et bien protégée.

5)    Création des galvanos de service
Le galvano-type monobloc en cuivre va servir de modèle pour fabriquer tous les galvanos de service. Il va donc être copié de nombreuses fois. Afin de ne pas l’écraser au court du temps, on réalise des copies avec un matériau de faible dureté (cire, feuille de plomb, gutta percha…). Pour cela, on utilise la presse hydraulique en raison de la grande taille du galvano-type et on place au-dessus de la cire solide qui n’abimera pas le galvano-type. Il convient de bien gérer la pression exercée par la presse afin de ne pas dépasser la limite élastique du cuivre (40 MPa). On réalise autant de copies à la cire que nécessaire pour composer le nombre souhaité de formes d’impression. La cire donne un résultat moins précis que le plomb mais elle n’endommage pas le galvano-type.
Ces copies en cire sont pulvérisées de plombagine afin de rendre conducteur le bloc de cire et on le place dans le bain de galvanoplastie. On obtient alors une copie en cuivre (identique au galvano-type) appelée galvano de service d’une épaisseur de 0,2 à 0,3 mm. Chacun de ces galvanos de service est placé gravure contre le marbre et, à nouveau, un mélange Plomb/Antimoine/Etain est coulé pour le rigidifier. Là encore, on utilise le taquoir et le matoir pour assurer une parfaite planéité. Une ultime étape de rabotage du dos permet d’ajuster avec précision l’épaisseur de chaque galvano de service à 3,76 mm. La réalisation d’un galvano de service nécessite environ une semaine de travail.

6)    Création des formes d’impression ou cliché

Une fois les galvanos de service obtenus, on les fixe sur des socles en bois pour obtenir la hauteur typographique de 23.56 mm (Fig.12). 


Fig.12 : une des rare image d'un galvano de service en cuivre (effigie Pasteur ici) vissé sur le bois pour des feuilles de vente ou de roulette (illustration Gallica) 

On assemble les galvanos de service en fonction de ce que l’on veut imprimer (feuilles de ventes, de carnets ou de roulettes). On assemble 6 galvanos de services sur pour réaliser une forme d’impression (parfois appelée planche d’impression ou cliché) ce qui permet d’imprimer des feuilles de 300 timbres (240 pour les carnets). Des trous sont ensuite percés entre les timbres 15 et 16 de chaque galvano afin de pouvoir y glisser le numéro du millésime pour les feuilles de vente et de roulette. On ajoute ensuite des filets de plomb sur les espaces inter-galvanos afin d’éviter l’utilisation du papier vierge de toute impression par des faussaires. De plus, on positionne une croix de repère de perforation. L’indication de la date de fabrication et de la lettre désignant le conducteur de ligne sera ajoutée manuellement sur la machine (c’était certainement sur la machine plutôt que sur la planche puisque parfois à droite).

7)    Impression des timbres
Avant d’imprimer des feuilles de bonne qualité, il faut réaliser des épreuves d’essais et la mise en train. D’une part, l’on glissait des feuilles de papier entre « cuir et chair » (entre le galvano et son support) pour égaliser au maximum le niveau d’impression et d’autre part on réalisait la même chose en collant des bouts de papier sur l’habillage du cylindre d’impression. Pour obtenir une impression parfaite, on rajoutait des coussinets (timbres découpés à certains endroits précis) aux endroits souhaités (fig.13). Les coussinets sont collés sur l'habillage du cylindre donc impossibles à récupérer et à réutiliser par la suite.


Fig.13 : Essais de coussinets de la semeuse 5c réalisés par des apprentis 
servant à réaliser une bonne mise en train (illustration semeuse13)

Une fois cette mise en train optimisée, on pouvait tendre une toile de tissus sur le cylindre pour maintenir l’ensemble en place. Cette mise en train durait jusqu’à obtention d’une feuille modèle et cela pouvait durer 2 à 3 jours. Dès lors l'impression peut se poursuivre plusieurs jours en n'oubliant pas de changer la date et la lettre de l'opérateur.
Une fois ces différentes étapes réalisées, les feuilles imprimées sont vérifiées, gommées, séchées, coupées par la moitié verticalement pour obtenir les feuilles de ventes ou de roulettes, puis perforées. Et des décennies plus tard, les philatélistes recherchent encore les infimes erreurs qui sont passées à travers les yeux de lynx des imprimeurs … qui n’avaient pas de scanner pour dénicher les micro-variations du graphisme que nous recherchons aujourd’hui !