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jeudi 15 juillet 2021

Les Semeuses imprimées sur bristol

 

Des tirages spéciaux de timbres avec une impression particulièrement soignée furent réalisés à plusieurs reprises pour compléter des archives, offrir à des hauts dignitaires ou à l’occasion de grandes manifestations internationales.

On peut les classer en 4 grandes catégories :

-      Le tirage de l’exposition universelle de 1867

-      Les émissions des Régents de 1877

-      Les réimpressions Granet de 1887

-      Les épreuves de luxe sur papier bristol à partir de 1889

 Dans cet article je ne parlerai que des impressions sur bristol réalisées à partir de 1889. Pour les impressions antérieures, on peut se référer aux articles de Mr Brun et Mr Chandanson sur leur blog (https://www.philatelie.expert/).

 

1) L’exposition universelle de 1889 à Paris

A l’image de l’exposition universelle de 1867, une impression sur papier bristol blanc glacé a été réalisée par l’atelier de la fabrication des timbres-poste en 1889 pour les timbres de type courant de l’époque pour la France et les colonies (Fig.1).

 


Figure 1 : Épreuve de luxe imprimée pour l’exposition universelle de 1889. 
© Coll. Musée de La Poste, Paris / La Poste

 

2) L’exposition universelle de 1900 à Paris

À nouveau en 1900, une impression sur grandes feuilles bristol a été réalisée par l’atelier de la fabrication des timbres-poste. Elle regroupe les timbres émis depuis 1876 pour la France (type Sage) et les colonies en incluant les entiers postaux et les timbres taxes Duval. Cette fois les timbres sont imprimés par bloc de 25 à l’image des réimpressions des régents ou Granet (Fig.2). Il existerait ainsi 66 feuilles distinctes. On notera que :

- la dentelure est figurée par une impression en sépia sauf pour les timbres des colonies (Fig.3)

- le millésime de l’année d’émission de chaque timbre est imprimée sous chaque bloc de 25

- les timbres sage sont de type N sous U ou N sous B suivant les faciales (Fig.4)

 


Figure 2 : Épreuve de luxe imprimée pour l’exposition universelle de 1900.Cette image du musée de la poste à Paris est une reproduction présente dans le spécialisé des timbres de France d’Yvert et Tellier (2000) p 285.

 


Figure 3 : Fragments des Épreuves de luxe imprimées pour l’exposition universelle de 1900 avec ou sans dentelure imprimée.

   


Figure 4 : Fragments des Épreuves de luxe imprimées pour l’exposition universelle de 1900 avec millésime et types N sous U ou N sous B.

 

 

3) L’exposition universelle de 1910 à Bruxelles

Comme en 1900, une impression sur grandes feuilles bristol a été réalisée par l’atelier de la fabrication des timbres-poste. Elle regroupe les timbres émis depuis 1900 pour la France (type Blanc, Mouchon, Merson et Semeuse). Là encore, les timbres sont imprimés par bloc de 25 avec millésime d’émission en dessous. Il existe peu de documentation à ce sujet mais de récentes ventes sur offres (Roumet n°556) permettent d’en avoir un aperçu (Fig.7 à 9).

          Les tirages du type Blanc concernent les faciales suivantes :

- 1 c gris (107 type I)

- 2 c violet rose (108 type I)

- 3 c rouge vermillon (109 type I)

- 4 c brun havane (110 type I)

- 5 c vert (111 type I)

Toutes ces impressions seraient avec dentelure figurée par impression d’une couleur sépia mais je n’ai pas trouvé d’illustrations permettant de le confirmer.

          Les tirages du type Merson concernent les faciales suivantes :

- 40 c rouge et bleu (119)

- 50 c brun et gris (120)

- 1 fr lie de vin et olive (121)

- 2 fr violet et jaune (122)

- 5 fr bleu et chamois (123)

Là encore toutes ces impressions seraient avec dentelure figurée mais je n’ai pas trouvé d’illustrations permettant de le confirmer.

 Les tirages du type Mouchon concernent les faciales suivantes :

- 10 c rose (124)

- 15 c vermillon (125)

- 15 c orange vermillon surcharge FM (FM 1 et FM 2)

- 20 c brun lilas (126)

- 25 c bleu (127)

- 30 c violet (128)

Ces impressions sont elles aussi avec dentelure figurée (Fig.7).

   





Figure 5 : Fragments des Épreuves de luxe imprimées pour l’exposition universelle de 1910 avec le type Mouchon. Les faciales 10 c, 15 c et 25 c sont au type II et au type I pour les faciales 20 c et 30 c.

 

Les tirages du type Semeuse concernent plus ma thématique de prédilection. Grace à l’aimable collaboration du personnel du musée de la poste, j’ai pu obtenir des images de ces tirages sur papier bristol avec dentelure figurée (Figures 6 à 9).

 

Figure 6 : Épreuve de luxe imprimée pour l’exposition universelle de 1910 avec les Semeuses lignées. Les faciales 10 c (+/- surcharge FM) au type III, 15 c (+/- surcharge FM) au type IV, 20 c, 25 c, 30 c y sont imprimées par blocs de 25 timbres. 
© Coll. Musée de La Poste, Paris / La Poste / © Dessinateur Louis Oscar Roty, ADAGP, Paris 2021 / © Graveur Louis Eugène Mouchon 
 


Figure 7 : Épreuve de luxe imprimée pour l’exposition universelle de 1910 avec la Semeuse avec sol (10c), les Semeuses maigres (10 c / 35 c) et la Semeuse camée (10 c). 
© Coll. Musée de La Poste, Paris / La Poste / © Dessinateur Louis Oscar Roty, ADAGP, Paris 2021 / © Graveur Louis Eugène Mouchon

 

En voyant cette deuxième image, une question vient à l’esprit immédiatement : pourquoi les semeuses maigres sans sol ont elles été imprimées en double ?

Au niveau esthétique et chronologique, on aurait pu imaginer que le bloc de 25 Semeuses avec sol (type I) soit imprimé seul en haut puis les deux blocs de Semeuses maigres en dessous et enfin le bloc de Semeuse camée en bas. Cette double impression des Semeuses maigres peut être :

i) un choix « artistique » mais aussi

ii) refléter l’existence des types I et IIA pour ces galvanos de 25 timbres de la faciale à 10 c (le type III est celui des carnets donc galvano différent) et les types I et II pour la faciale à 35 c. La définition de l’image ne permet pas de trancher entre ces deux hypothèses.

La littérature indique que seuls le type I de la faciale à 10 c et le type II de la faciale à 35 c ont été imprimés sur bristol. Pourquoi cette différence alors que les types I de ces 2 faciales n’ont servi que très peu de temps (quelques heures d’impression) en raison du manque de contraste à l’impression et ont été retouchés de suite par Mouchon pour donner les types II qui seront utilisés exclusivement par la suite pour les feuilles de vente ? La différence majeure entre ces 2 types se situe au niveau du contour « postérieur » de la robe qui est plus accentué sur le type II que sur le type I. La figure 8 montre l’impression du timbre en position 25 pour chacun de ces 4 blocs. On constate, malgré la définition modeste, que les 2 blocs du bas sont au type II (contraste marqué de la robe et du talon) alors que les 2 blocs du haut sont au type I. Cette observation est tout aussi valable avec les impressions en position 1 à 24.

Cette disposition des blocs de 25 sur la feuille de la figure 7 est donc logique car cela correspond à la chronologie d’impression de ces timbres (type I puis type II). Dans la littérature il est indiqué que les Semeuses 134 et 135 (10 c maigre avec et sans sol) existeraient sur papier bristol mais sans la dentelure figurée. Si tel est le cas, les autres Semeuses de cette feuille doivent aussi exister sans dentelure figurée car l’impression de la dentelure a été réalisée par impression à plat en sépia donc toute la feuille la possède (ou pas). Si quelqu’un en possède une image, je suis preneur. L'autre point notable concerne la Semeuse 134 qui est décrite sous 2 types dont la différence entre les 2 laisse à penser qu'il s'agit plus d'une variété d'impression que de l'existence réelle de 2 galvanos différents. Si on garde la même logique que pour les 135 et 136 où les 2 types sont imprimés, cela confirmerait que les types I et II de la Semeuse 134 n'en font qu'un.

 

Figure 8 : Comparaison des timbres imprimés en position 25 pour les 2 blocs du haut de la feuille de la figure 7 (au type I) et ceux du bas de la même feuille (type II). 
© Coll. Musée de La Poste, Paris / La Poste / © Dessinateur Louis Oscar Roty, ADAGP, Paris 2021 / © Graveur Louis Eugène Mouchon

 

            La troisième feuille montrée en figure 9 regroupe les Semeuses camées imprimées jusqu’en 1907. Sur cette feuille les types ne posent pas de problèmes car un seul type de chacune d’entre elle existait lors de l’impression de ces feuilles sur bristol. La seule question vient du fait que la Semeuse 5 c verte est disposée en dernière position bien qu’émise avant les autres … je n’ai pas d’explication à cela à moins que l’ordre d’émission soit très différent de l’ordre d’impression à l’atelier ? Toutefois "semeuse13" qui répertorie les dates d'impression de nos chères Semeuses confirme que la Semeuse 10 c rouge (138) a des dates d'impressions plus anciennes que celles de la Semeuse 5 c (137) donc cette hypothèse est peut à être à retenir. Dans ce cas le dernière imprimée serait la première émise ...

Figure 9 : Épreuve de luxe imprimée pour l’exposition universelle de 1910 avec les Semeuses camées +/- surcharge FM. La Semeuse camée 10 c rouge n’y est pas car déjà imprimée sur la feuille précédente. 

© Coll. Musée de La Poste, Paris / La Poste / © Dessinateur Louis Oscar Roty, ADAGP, Paris 2021 / © Graveur Louis Eugène Mouchon

 

          En dehors de l’aspect rare de ces épreuves de luxe, le fait le plus marquant est leur qualité d’impression. En effet, si l’on compare une Semeuse imprimée sur une feuille de vente et celle de l’épreuve de luxe, on ne peut pas se tromper tant la finesse des épreuves de luxe est excellente (Fig.10). 

 

 


Figure 10 : Semeuse 5 c vert imprimée sur une feuille de vente (à gauche) et sur une épreuve de luxe sur bristol (droite).

 

         Si certains d’entre vous ont de plus amples informations ou illustrations sur ces impressions sur bristol, n’hésitez pas à me les faire parvenir pour mettre à jour cet article.

 

 

4)   Bibliographie 

R. Joany, Les timbres-poste au type Sage, tome 1, brochure MdP n° 47 (1962), p 33-36

Yvert et Tellier, les timbres de France, le spécialisé volume 1 (2000), p 280-285

A. Maury, Histoire des timbres postes français, édition du centenaire, (1949) p 302-305

Timbre magazine, Octobre 2003, p 37 - 40

Timbre magazine, Juin 2005, p 40 – 44

Catalogue des timbres de France, 2020-2021, SPINK / MAURY

Illustration musée de la poste

jeudi 7 janvier 2021

L'apparition du type II de la Semeuse 137

 

La naissance du type II

            La Semeuse 137 est commercialisée le 6 Mars 1907 (le 5 pour les nantis parlementaires) sous la forme de carnet de 40 timbres à 2.05 francs (carnet C1). Quelques jours plus tard, le 19 mars, cette même Semeuse est vendue au détail car imprimée en feuilles de vente. Ces Semeuses sont toutes au même type baptisé le « type I » et il est quasi impossible de les différencier à quelques variétés de galvano près. Les carnets eurent peu de succès car vendus 5 centimes plus cher que la faciale pour amortir le surcout de la confection des carnets. Le 1er Mai 1910, l’administration postale décide d’abaisser le prix des carnets à 2 francs pour écouler le stock des invendus (carnets C2). Ce fut un réel succès et de nouveaux carnets sont fabriqués au deuxième semestre 1910 à partir de nouveaux galvanotypes (carnets C3 et C4). C’est ainsi que naquit le type II de la Semeuse 137. Les spécificités du type II sont décrites dans mon article sur l’année 1910 de mon blog.

La commercialisation des carnets au type II

La date exacte de la commercialisation de ces carnets n’est pas connue à ce jour. On ne peut donc se baser que sur les timbres à date les plus précoces connus pour ce type II. Dans mon précédent article, j’ai indiqué que j’avais trié près de 85 000 Semeuses 137 oblitérées. Ce tri réalisé en fonction de l’année indiquée sur le timbre à date m’a permis, entre autres, d’isoler environ 3600 oblitérés en 1910 et 3300 en 1911. A partir de là je les ai classés par mois d’oblitération quand cela était lisible. J’ai ainsi conservé 2697 timbres de 1910 et 2412 de 1911. La répartition mensuelle de ces timbres est présentée dans la figure 1. On retrouve une utilisation quasiment doublé en janvier et décembre en raison de l’afflux de cartes de vœux comme en 1908. Si l’on exclut les mois de janvier et décembre, on trouve une moyenne de 190 timbres par mois en 1910 et de 172 en 1911 ce qui est comparable. D’autre part la répartition mensuelle est homogène confirmant que le vrac de timbre initial est représentatif de la consommation réelle.



Figure 1 : répartition mensuelle des timbres oblitérés en 1910 et 1911

 

            A partir de ce tri mensuel, j’ai recherché les timbres au type II pour chaque mois et plus particulièrement en 1910 afin d’identifier les dates les plus précoces. Il s’avère que les premiers timbres au type II apparaissent en septembre 1910 (fig.2). La meilleure date est celle montrée par "penbe44" du "forum indépendant des collectionneurs" sur une carte postale du 15/9/1910 (fig.3). Pour en connaitre la date exacte, seule des fouilles « archéologiques » dans les archives de l’administration postale permettraient peut être de retrouver un courrier indiquant le jour de mise en vente de ces carnets. Leur proportion est faible ce mois-là puis augmente régulièrement jusqu’en fin 1910 (fig.4).

 


Figure 2 : Premières Semeuses 137 au type II oblitérées entre le 26 et le 30 septembre 1910

 



Figure 3 : Semeuses 137 au type II oblitérées le 14 septembre 1910

 


 
Figure 4 : Répartition mensuelle des Semeuses 137 au type II oblitérées en 1910

 

            Le nombre de Semeuse au type II est faible chaque mois comparativement à celles au type I montrant ainsi que les carnets se vendaient beaucoup moins que les timbres au détail. D’autre part il convient de calculer les pourcentages pour chaque mois afin de voir l’évolution de cette proportion (fig.5). En septembre et octobre on constate que le pourcentage de Semeuse 137 au type II augmente (bleu clair) puis se stabilise en novembre et décembre (bleu vif). On utilise proportionnellement 5 à 6 fois plus de timbres de carnet en décembre par rapport à septembre. En fait cette proportion est atteinte dès le mois de novembre indépendamment de l’accroissement du trafic postal de fin d’année.

 

Figure 5 : Pourcentage des Semeuses 137 au type II oblitérées en 1910

 

Les ventes de carnet en 1911

            Pour affiner l’analyse, j’ai passé au crible les timbres oblitérés en 1911 de la même façon que précédemment (fig.6).

 

Figure 6 : Répartition mensuelle des Semeuses 137 au type II oblitérées en 1911

 

            A la lecture de ce graphe on constate que i) le pic de courrier de janvier est présent et le nombre de Semeuse au type II augmente en conséquence, ii) le mois de décembre est moins élevé que d’habitude et iii) le mois d’octobre présente une proportion de Semeuse 137 au type II anormalement faible. Afin d’avoir une lecture sur la durée, j’ai juxtaposé les pourcentages des Semeuses au type II de 1910 et de 1911 (fig.7).

 

 
Figure 7 : Pourcentage des Semeuses 137 au type II oblitérées en 1910 et 1911

 

            Les histogrammes en bleu clair correspondent à la montée en puissance de la consommation des types II et donc des ventes des carnets C3 et C4. Du mois de novembre 1910 au mois de juin 1911 (bleu vif), on a une moyenne de 8.6% des timbres en circulation qui proviennent de ces carnets. Un troisième palier est franchi à partir de juillet 1911 (bleu foncé) où cette valeur moyenne monte à 13.5 % si l’on exclut le mois d’octobre « atypique ». Sur l’année 1911 complète, on a environ 10.2% de timbre au type II (mois d’octobre inclus).

            La mauvaise réputation des carnets de timbres vendus en 1907 avec un surcout de 2% (2.05 francs pour 2 francs de faciale) est restée marquée dans les esprits et il a fallu plus d’un an après l’annulation de ce surcout (mai 1910) pour que les habitudes changent et que les clients en achètent de nouveau. Toutefois leur utilisation n'est que limitée puisqu'à 15% maximum de l'ensemble des Semeuses 137 utilisées en 1911.