L’envoi de
courrier postal avec l’assurance qu’il arrive à destination est une
problématique toujours d’actualité. Elle est d’autant plus importante quand il
s’agit d’envoyer des papiers de valeur financière (billets, titres de bourse,
obligations…) avant la possibilité de transférer des fonds ou des titres par la
voie informatique. Pour ce faire, les services postaux ont mis en place les
lettres avec valeur déclarée parfois appelées lettres « chargées »
par abus de langage.
Tout d’abord je vais commencer avec
l’historique de ces courriers postaux en me basant sur l’excellent site de Monsieur J.L. BOURGUOUIN et sur
l’ouvrage des « Tarifs postaux français, Alexandre, Barbey, Brun,
Desarnaud et Joany) et avec les conseils de François LANDOIS, Jean Louis
BOURGUOUIN et Laurent BONNEFOY. Par la suite, je vous présenterai des lettres
avec valeur déclarée uniquement pour le régime intérieur dont
l’affranchissement contient au moins une Semeuse 5 c verte. Il existe même des
lettres avec valeur déclarée contenant exclusivement des Semeuses 5 c
vertes ! J’exclu volontairement les boites avec valeur déclarée.
Du pli cacheté aux
lettres avec valeur déclarée.
Les notions de lettres chargées,
recommandées ou avec valeur déclarée se superposent parfois au cours de
l’évolution des tarifs postaux. Il convient donc d’essayer de retracer leur
histoire.
Dès l’existence des premiers royaumes, les
lettres « importantes » étaient cachetées avec une empreinte
spécifique de l’expéditeur sur la cire et devaient être remises en main propre.
En 1627, il existe des tarifs postaux pour l’expédition « d’articles
d’argent ». La notion de lettre « chargée » apparait en 1759
mais son contenu ne doit pas être « vénalement précieux ». Cela
s’assimile à ce que l’on nomme de nos jours une lettre recommandée d’où des
confusions possibles par la suite.
En 1786, la notion d’indemnisation
financière pour la perte d’une lettre chargée apparait. En 1817, le transfert
d’argent se fait par la notion de « mandat » ou « reconnaissance »
à savoir que les fonds sont déposés par l’expéditeur à l’administration postale
qui transmettra au destinataire une « reconnaissance » qu’il pourra
encaisser auprès de l’administration postale locale. L’administration postale
servait de « banque postale » … déjà à l’époque.
Ce n’est qu’en 1829 que le tarif
postal de la lettre recommandée est créé et il assure que la lettre est arrivée
chez son destinataire mais ne donne lieu à aucune indemnisation contrairement
aux lettres chargées.
En 1849, des lettres peuvent être
acheminées par voie postale avec l’assurance qu’elles arrivent chez le
destinataire. On parle alors de « lettre chargée » mais elles ne
devaient pas contenir d’objet de valeur (métaux précieux, pièces, billets…). De
plus elles doivent porter au minimum 2 cachets de cire avec empreinte à cheval
sur la partie haute et basse de la lettre.
En 1854, les lettres recommandées
sont officiellement assimilées à des lettres chargées. La notion de lettre
recommandée ne réapparaitra qu’en 1873 et seront définitivement distinctes des
lettres dites chargées.
En juillet 1859, la notion de valeur
déclarée apparait. Il est obligatoire d’inscrire le montant de la valeur
déclarée sur le recto de l’enveloppe et d’apposer un timbre (ou griffe)
descriptif au verso des lettres chargées (Fig.1). Cette griffe indique le poids
de la lettre (en gramme et centigramme) puis le nombre de cachets de cire
(NOM), la couleur de la cire (COUL) et l’empreinte présente sur ces cachets
(EMPR). Le numéro du bureau postal sur la gauche du timbre descriptif disparait
à partir de décembre 1894. Ces derniers seront obligatoires jusqu’au 15 Octobre
1909 inclus. A partir du 16 Novembre 1909, ils seront remplacés par des
étiquettes de recommandation dont le R sera déchiré. Entre ces deux dates les
indications de poids seront portées à la main sur l’enveloppe (F. LANDOIS,
feuilles marcophiles, N° 339, p18).
Figure 1 : Timbre descriptif
apposé sur les lettres chargées à partir de 1859
A
compter de juillet 1859, l’insertion de billets, bons au porteur ou de titres
est autorisée sous réserve de ne pas dépasser le plafond de 2000 francs et d’en
faire la déclaration et on parle alors de lettre avec « Valeur
Déclarée » (VD). En cas de perte, la valeur déclarée est remboursée à l’expéditeur.
La tarification de ces courriers est établie sur la base :
- des
frais de port du courrier envoyé en fonction de son poids
- de
la taxe de chargement (ou recommandation)
- de
la taxe de valeur déclarée en fonction du montant
Les
tarifs des lettres avec valeurs déclarées évoluent régulièrement au cours du
temps (elles existent toujours en 2020 dans le tarif de « la poste »)
mais il faut noter qu’en 1873, le plafond de valeur est passé à 10 000
francs. Ce plafond sera maintenu jusqu’au 12/9/1919 où il n’y aura plus de
limite. Le 14/7/1922 un plafond sera à nouveau mis en place à hauteur de
20 000 Francs.
Le tarif postal des lettres avec
valeur déclarée varie fréquemment puisqu’ils dépendent de 3 droits distincts
(frais de port, de chargement et valeur déclarée) qui ne sont pas modifiés de
façon simultanée. D’autre part, le tarif est fonction de la combinaison du
poids de la lettre et de la valeur déclarée. En conséquence, il existe une
multitude d’affranchissements possibles en termes de tarif et de combinaisons
de timbres. C’est donc un excellent thème pour réaliser une monographie. A
titre d’exemple, une lettre de 1er échelon pour l’intérieur peut
être affranchie à 20 tarifs différents en 1907 suivant la valeur déclarée. Si
on cumule jusqu’au 5ème échelon (75g), on arrive à 100 tarifs
différents … et encore il existait une limitation de la valeur déclarée …. ce
qui ne fut pas toujours le cas par la suite !
La Semeuse 5c sur les
lettres avec valeurs déclarées
Il n’est pas fréquent de trouver ce
timbre sur ces courriers car sur la période de commercialisation de cette
Semeuse (1907-1921), les tarifs d’affranchissements sont au minimum de 45 c en
1907 et peuvent monter jusqu’à plusieurs francs. Il va exister 5 tarifs postaux
différents pour une même lettre entre 1907 et 1921 sans compter les échelons et
les tranches de valeur déclarée.
A titre d’exemple en 1907, une lettre
de 1er échelon (15g max) peut avoir, officiellement, 20 tranches
différentes de valeurs déclarées (500 fr, 1000 fr … jusqu’à 10 000 fr).
Sachant que ces lettres sont cachetées avec une quantité plus ou moins
importante de cire et qu’elles contiennent une masse de papiers (ou billets)
parfois importante (150 à 200 g), on arrive facilement à des échelons de lettre
élevé. A cette époque une lettre de 200 grammes est au 14ème
échelon. On arrive ainsi à 280 combinaisons « échelon lettre – valeur
déclarée » pour ce seul tarif. Autant dire qu’une collection thématique
essayant de rassembler toutes les combinaisons est quasi impossible et encore
moins si l’on impose la présence de la Semeuse 5c sur l’affranchissement.
A la naissance de la Semeuse 5 c
verte en Mars 1907, les frais de port d’une lettre de 1er échelon
pour l’intérieur sont de 10c (tarif du 16/4/1906). A cela s’ajoute la taxe fixe
de chargement de 25 c (1/7/1892) puis la taxe de valeur déclarée de 10c par
tranche de 500 francs (1/7/1892) (texte 1 et 2). Le tarif minimal est donc de
45 c. La Semeuse 5 c verte ne peut donc être utilisée qu’en appoint
d’affranchissement à cette époque-là.
Texte officiel 1 : Loi de 1892
fixant les droits de chargement et de valeurs déclarées toujours valables en
1907 (source gallica)
Texte officiel 2 : Loi de 1906
fixant les frais de port d’une lettre et toujours valables en 1907 (source gallica)
Vous trouverez ci-dessous, un tableau
des tarifs applicables sur les lettres à valeurs déclarées lors de la
commercialisation de la Semeuse 5c verte et jusqu’au changement de tarif du 1er
mai 1910 (Tab.1)
Tableau 1 : Tarifs postaux (en
centimes) pour une lettre avec valeur déclarée suivant les échelons et les
tranches de valeur (10 des 20 tranches possibles sont indiquées)
Il faut aussi noter qu’au cours de ce tarif postal
(16-4-1906/1-5-1910), les timbres descriptifs vont être supprimés à compter du 16
octobre 1909 et seront remplacés, à compter du 16 Novembre 1909, par les
étiquettes de recommandations auxquelles on aura déchiré le R (F. LANDOIS,
feuilles marcophiles, N° 339, p18). Vous trouverez ci-dessous quelques lettres
qui correspondent à ces tarifs.
Figure 2 : Lettre de 1er échelon (12.2 g pour
15 g max) avec une valeur déclarée de 200 francs (1ère tranche)
expédiée de Paris le 23/7/1909 à destination de Thouars où elle arrive le
lendemain. La griffe linéaire « chargé » est apposé au recto alors
que le timbre descriptif l’est au verso indiquant que cette lettre contient 5
cachets rouges avec VM comme empreinte. Il faut noter 1)
qu’il
s’agit d’un timbre à gros chiffre remplacé depuis fin 1894 par ceux dépourvus
de ces chiffres. Le postier l’ayant apposé à l’envers, il l’a apposé une
deuxième fois avant de le compléter 2)
que
l’affranchissement n’est pas règlementaire car les Semeuses 5c et 10c ne sont pas
suffisamment séparées.
Figure 3 : Devant de lettre de 1er échelon
avec une valeur déclarée de 1150 francs (3ème tranche) expédiée de
Paris le 3/11/1908 à destination de Pont à Mousson.
Figure 4 : Devant de lettre de 1er échelon
avec une valeur déclarée de 3500 francs (7ème tranche) expédiée de
la cote saint andré le 15/11/1909 à destination de Vienne. Il est important de
noter qu’il s’agit du dernier jour où les étiquettes de recommandation
déchirées ne sont pas apposées.
Figure 5 : Lettre de 2ème échelon (16.5 g pour
30 g max) avec une valeur déclarée de 100 francs (1ère tranche)
expédiée de Lyon le 14/4/1909 à destination de Saint Symphorien sur Coise. La griffe
linéaire « chargé » est absent et le timbre descriptif est apposé au
recto alors qu’il devrait être au verso. Le postier n’a respecté à la
« lettre » le règlement mais cela n’a pas empêché ce courrier
d’arriver à destination.
Figure 6 : Lettre de 2ème échelon (30 g pour
30 g max) avec une valeur déclarée de 800 francs (2ème tranche)
expédiée de Saint Laurent le 10/3/1910 à destination de Pauillac. On notera
l’absence de la griffe linéaire « chargé ».
Figure 7 : Devant de lettre de 2ème échelon
(30 g max) avec une valeur déclarée de 1100 francs (3ème tranche)
expédiée de Villersexel le 1/6/1909 à destination de Chalons sur Marne.
Figure 8 : Devant de lettre de 2ème échelon
(30 g max) avec une valeur déclarée de 1850 francs (4ème tranche)
expédiée de Paris le 5/ ?/1909 à destination de Pont à Mousson. La griffe
linéaire « chargé » a été apposé 2 fois car le premier était mal
imprimé
Figure 9 : Lettre de 2ème échelon (30 g max)
avec une valeur déclarée de 4500 francs (9ème tranche) expédiée de
Paris le 30/ 3/1910 à destination de Lille.
Figure 10 : Devant de lettre de 3ème échelon
(45 g max) avec une valeur déclarée de 1200 francs (3ème tranche)
expédiée de Paris le 3/11/1907 à destination de Chalons sur Marne.
Figure 11 : Lettre de 3ème échelon (45 g max)
avec une valeur déclarée de 10000 francs (20ème tranche) expédiée de
Coulonges sur l’Autize le 7/8/1909 à destination de Chatelaillon (plage).
Figure 12 : Devant de lettre de 6ème échelon
(90 g max) avec une valeur déclarée de 6000 francs (12ème tranche)
expédiée de Neauphle le château le 11/3/1910 à destination de Versailles.
Le 1er
mai 1910, les tarifs postaux changent notamment au niveau des poids des
échelons des lettres (texte 3).
Texte officiel 3 : loi de 1910
fixant les nouveaux frais de port des lettres pour l’intérieur
(source gallica)
(source gallica)
En conséquence le tarif des lettres
chargées est complètement modifié. Le tableau ci-dessous synthétise les tarifs
de ces lettres pour les 10 premières tranches de valeurs déclarées.
Figure 13 : Lettre de 1er échelon (20 g max)
avec une valeur déclarée de 400 francs (1ère tranche) expédiée de
Vendeuvre sur Barse le 15/7/1914 à destination de Toulon.
Figure 14 : Dos de lettre de 1er échelon (20 g
max) avec une valeur déclarée de 1ère tranche expédiée en juillet
1913 qui n’est jamais arrivée à destination malgré un bel affranchissement
composé exclusivement de Semeuses 5c de type II (carnet).
Figure 15 : Lettre de 1er échelon (20 g max)
avec une valeur déclarée de 750 francs (2ème tranche) expédiée de Tourouvre
le 18/1/1912 à destination de Paris.
Figure 16 : Lettre de 1er échelon (20 g max)
avec une valeur déclarée de 1500 francs (3ème tranche) expédiée de
Cezens le 13/9/1910 à destination de Saint Flour.
Figure 17 : Lettre de 1er échelon (20 g max)
avec une valeur déclarée de 3100 francs (7ème tranche) expédiée de Rochefort-Montagne
le 30/6/1911 à destination de Thiers.
Figure 18 : Lettre de 2eme échelon (50 g max)
avec une valeur déclarée de 300 francs (1ere tranche) expédiée de
Paris le 30/6/1910 à destination de Pionsat.
Figure 19 : Lettre de 2éme échelon (50 g max)
avec une valeur déclarée de 550 francs (2ème tranche) expédiée de
Rennes le 13/1/1915 à destination de Saint Malo.
Figure 20 : Lettre de 2éme échelon (50 g max)
avec une valeur déclarée de 1500 francs (3ème tranche) expédiée de
Chateaulin le 31/10/1910 à destination de Pleyben.
Figure 21 : Lettre de 2éme échelon (50 g max)
avec une valeur déclarée de 2000 francs (4ème tranche) expédiée de
Avranches le 4/11/1916 à destination de Falaise.
Figure 22 : Lettre de 2éme échelon (50 g max)
avec une valeur déclarée de 10000 francs (20ème tranche) expédiée de
Chateaulin le 28/7/1910 à destination de Pleyben.
Figure 23 : Lettre de 3éme échelon (100 g max)
avec une valeur déclarée de 500 francs (1ere tranche) expédiée de Aurillac
le 13/8/1910 à destination de Murat.
Figure 24 : Lettre de 3éme échelon (100 g max)
avec une valeur déclarée de 3000 francs (6eme tranche) expédiée de
Paris le 4/3/1916 à destination de Tesson.
Figure 25 : Lettre de 3éme
échelon (100 g max) avec une valeur déclarée de 5195 francs (11eme
tranche) expédiée de Paris le 11/7/1916 à destination de Tesson.
Le 1er janvier 1917, les
tarifs postaux changent notamment au niveau des poids des échelons des lettres et
des droits d’assurance des valeurs déclarées (texte 4).
Texte officiel 4 : Loi parue au
journal officiel de la république le 31/12/1916 et applicable dès le 1/1/1917 modifiant
les frais de port des lettres et les droits d’assurance des valeurs déclarées (source gallica).
En conséquence le tarif des lettres chargées
est complètement modifié. Le tableau ci-dessous synthétise les tarifs de ces
lettres pour les 10 premières tranches de valeurs déclarées. Le plafond de
valeur déclarée reste à 10 000 francs.
Figure 26 : Lettre de 1er
échelon (20 g max) avec une valeur déclarée de 100 francs (1ere
tranche) expédiée de Paris le 10/1/1918 à destination de Villemomble.
Figure 27 : Lettre de 2éme
échelon (50 g max) avec une valeur déclarée de 500 francs (1ère
tranche) expédiée de Paris le 13/8/1919 à destination de Draguignan.
Figure 28 : Lettre de 2éme
échelon (50 g max) avec une valeur déclarée de 520 francs (2eme
tranche) expédiée de Bordeaux le 31/12/1917 à destination de Privas.
Figure 29 : Lettre de 5éme
échelon (200 g max) avec une valeur déclarée de 500 francs (1ere
tranche) expédiée de Tarbes le 16/7/1917 à destination de Trie sur Baïse.
Le 13 septembre 1919, les tarifs
postaux changent notamment au niveau des tranches des valeurs déclarées (texte
5).
Texte officiel 5 : loi de 1919
fixant les nouvelles tranches de valeurs déclarées sans limitation de valeur
déclarée (source gallica)
En conséquence le tarif des lettres
chargées est complètement modifié. Le tableau ci-dessous synthétise les tarifs
de ces lettres pour les 10 premières tranches de valeurs déclarées. Le plafond
de valeur déclarée n’est plus limité.
Figure 30 : Lettre de 2éme
échelon (100 g max) avec une valeur déclarée de 500 francs (1ere
tranche) expédiée de Bastia le 7/2/1920 à destination de Muro.
Le 1er avril 1920, les
tarifs postaux changent à nouveau tant sur les échelons des lettres que sur la
taxe de recommandation. En conséquence le tarif des lettres chargées est
complètement modifié. Le tableau ci-dessous synthétise les tarifs de ces
lettres pour les 10 premières tranches de valeurs déclarées. Le plafond de
valeur déclarée n’est toujours pas limité. Il le sera à 20 000 francs en
1922.
Figure 31 : Lettre de 1er
échelon (20 g max) avec une valeur déclarée de 150 francs (1ere
tranche) expédiée de Paris le 21/12/1920 à destination de Mortagne au perche.
Il faut noter que l’affranchissement n’est pas règlementaire car les Semeuses
5c et 15c ne sont pas suffisamment séparées.
Figure 32 : Lettre de 1er
échelon (20 g max) avec une valeur déclarée de 1500 francs (2ème
tranche) expédiée de Paris le 3/9/1920 à destination de Villers sur mer.
Figure 33 : Lettre de 2eme
échelon (100 g max) avec une valeur déclarée de 2841 francs (3eme
tranche) expédiée de Bernay le 8/6/1921 à destination de Paris.
Si certains d'entre vous ont des lettres similaires avec Semeuse 5c, n'hésitez pas à me contacter.
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