L’année 1916 est importante pour la Semeuse 5
c verte car elle est marquée par l’apparition d’un nouveau papier pour l’imprimer :
le « fameux » papier GC que connaissent bien les collectionneurs de
millésimes.
Le 1er janvier 1916 tombe un
samedi. Malgré ce jour d’ouverture des bureaux de poste, l’ambiance et la
désorganisation du pays font que peu de timbres oblitérés ce jour-là sont rencontrés
que ce soit en timbres détachés ou sur support (Fig.1).
Figure
1 : Semeuse 5 centimes verte oblitérée le 1er janvier 1916 (type
II)
Le papier C
En cette année 1916, les positions
sur le front se sont stabilisées et la vie se réorganise petit à petit dans le
pays. L’activité économique reprend un minimum et les échanges postaux aussi.
Il convient donc d’imprimer de nouvelles feuilles de vente mais le papier se
fait rare. Dans un premier temps, on utilise les « fonds de tiroir »
et les premières feuilles se font avec le stock de papier C restant (Fig.2).
Figure 2 :
Bas d’une feuille imprimée le 18 février 1916 sur papier C
La
comparaison des millésimes de 1916 imprimés sur papier C montre que la qualité
du papier est variable car elle passe du blanc au beige. Ces différences sont
dues à des traitements différents lors de la préparation de la pâte à papier et
aux matériaux utilisés pour la préparer.
La matière première du papier est toujours de
la fibre végétale mais suivant si l’on utilise du bois peu broyé et non écorcé
ou du coton, le produit final n’est pas le même. La pâte à papier est
généralement préparée en plusieurs étapes :
1) l’écorçage consiste
à éliminer les écorces des morceaux de bois pour éviter une coloration jaunâtre
ou chamois dans le produit final (exemple des papiers GC).
2) le défibrage consiste à
séparer les fibres de cellulose de la lignine soit par broyage mécanique (pâte
mécanique) soit par voie chimique (pâte chimique).
3) le raffinage
va accroitre la capacité des fibres à se solubiliser
4) l’épurage pour
éliminer les particules trop importantes pour être dissoutes.
5) Le blanchiment par
traitement à l’eau oxygénée ou aux composés chlorés ou de minéraux. Cette étape
permet d’éliminer les restes de lignine qui donne la coloration jaune du papier
avec le temps.
6) l’encollage par
ajout de colle pour éviter qu’il y ait des bavures à l’impression.
Dès lors la pâte à papier est prête à être
transformée en papier. Elle va alors être étalée sur des surfaces planes puis
pressée pour donner des feuilles qui seront ensuite mises à sécher.
Ainsi
les papiers jaunâtres sont le fruit d’un blanchiment insuffisant comme c’est le
cas pour certains papier C de 1916 (Fig.3).
Figure 3 :
Nuances de couleur du papier C observées sur les millésimes de 1916
Le papier GC
En 1916, chaque industriel cherche à réduire
ses couts d’approvisionnement et de production. C’est le cas de l’imprimerie qui
tire sur les prix du papier. En conséquence, les papetiers réduisent leur cout
de production en réduisant certaines étapes de la fabrication. Cela conduit à
la production de papier de "Grande Consommation" (GC) où l’étape d’écorçage
est très limitée afin d’accroitre la quantité de matière première utilisable. Cela
se traduit par une forte coloration beige à chamois du papier GC. Il en est de
même pour l’étape de raffinage d’où la présence de grosses fibres ou particules
dans ce papier. On peut les observer par transparence et c’est une de leur
caractéristique majeure. Enfin l’étape de blanchiment est aussi réduite voire
annulée ce qui accentue la coloration beige à chamois du papier GC. Ainsi on
trouve des papiers GC « blancs » (rare) où seule l’étape de raffinage
a été réduite ce qui se traduit par la présence de grosses fibres ou particules
à l’intérieur. En règle générale les papier GC sont beige à chamois foncé en
raison de pigments provenant de l’écorce non enlevée lors de la première étape et
/ou d’une étape de blanchiment très réduite d’où la présence de lignine qui
jaunit dans le temps (Fig.4).
Figure 4 :
Nuances de couleur du papier GC observées sur les millésimes de 1916
Les millésimes
L’impression
des feuilles de vente se fait donc sur papier C au début de 1916 mais aussi sur
papier GC plus ou moins beige. Etant donné que la qualité du papier GC est bien
moindre au niveau de sa résistance mécanique, il était imprimé en haut et en
bas des feuilles de vente les lettres GC afin que les postiers sachent que ces
feuilles devaient se manipuler avec plus de délicatesse. De ce fait les
millésimes haut de feuille sont très recherchés (Fig.5). On remarquera aussi
les variations dans la position du 6 suivant les galvanos de service utilisés
(Fig.3).
Figure 5 :
Millésime de 1916 imprimé sur papier GC avec inscription GC en haut de feuille
Les
carnets
La dernière série de carnet (C3 et
C4) avait été imprimée en 1910 et le stock devait être épuisé 6 ans plus tard. Une
cinquième série est donc relancée avec les restrictions de la période à savoir
une couverture souple de qualité assez mauvaise et avec du papier GC chamois (carnet
137 C5) ou GC blanc (carnet 137 C5a). On notera aussi l’absence de feuille paraffinée
entre les feuillets de 20 timbres. Comme en 1910, ces carnets ont des Semeuses
5 c vertes au type II (Fig.6 et 7).
Figure 6 :
Carnet 137 C5 de 1916 imprimé sur papier GC chamois
Figure 7 :
Carnet 137 C5a de 1916 imprimé sur papier GC blanc
Le
service postal du Monténégro - Bordeaux
En Janvier 1916, le roi du Monténégro Nicolas Ier
capitule devant l'Autriche. Le roi s’exile à Lyon en Janvier 1916 puis à
Mérignac près de Bordeaux en mars 1916 avant d’aller à Neuilly sur Seine en
Octobre 1916. A Mérignac, Nicolas Ier constitua un gouvernement en
exil. Bien que le courrier officiel bénéficiait de la franchise postale, en Juin
1916 il se mit à utiliser divers timbres français (Semeuse et Merson)
surchargés "SP - du M - Bordeaux" (Service postal du Monténégro -
Bordeaux) sans autorisation officielle de l'Administration française (Fig.8 et 9).
Pour éviter tout problème avec le Gouvernement Français, on parla alors d'essais.
Seuls quelques rares plis officiels dont l’authenticité n’est pas évidente ont
circulé du 6 au 24 Juin 1916, avec l'oblitération Bordeaux Cours d'Aquitaine
ou Bordeaux Gironde (Fig.8 et 9).
Figure 8 :
Semeuse 5 c verte avec surcharge du service postal du Monténégro à Bordeaux
Figure 9 : Courrier postal affranchi avec des Semeuses surchargées du service postal du Monténégro à Bordeaux (image semeuse13)
Les
cachets « postes serbes » du bureau de Corfou
En Janvier 1916, sous la pression des forces
bulgares et autrichiennes, le gouvernement et l'armée serbes se réfugient à
Corfou en Grèce sous la protection du corps expéditionnaire français. Comme le
gouvernement en exil refuse que les timbres serbes soient utilisés en dehors du
territoire national, la France va fournir jusqu’au 6 Octobre 1918 ses propres
timbres soit cinq Semeuses (5, 10, 15, 25 et 35 centimes) et deux Merson (40 c
et 50 c) car il y avait à Corfou un bureau de poste militaire français (Secteur
Postal 512). Ce bureau sera fermé le 24 juin 1919. Tous ces timbres sont
oblitérés par un cachet serbe et par une griffe linéaire « Postes Serbes » ce
qui permet leur identification. Les cachets en usage au bureau de poste serbe
de Corfou sont les suivants :
-
un cachet rond type Suisse, à pont de 28 mm de diamètre, avec en caractères
cyrilliques Station Postale
Ministérielle (MINISTARSKA POS-TANSKA STANICA).
- une marque d'identification d'origine, avec
inscription linéaire en Français : POSTES SERBES de 42 mm sur 4 mm. Cette marque
était apposée sur les lettres à côté des timbres postes, parfois fortuitement
sur les timbres eux-mêmes. Beaucoup de ces surcharges sont des
« optimisations philatéliques » (Fig.10).
Figure 10 :
Lettre à destination de Wessen affranchie avec
des
Semeuses surchargées par « postes serbes » (image trouvée sur le net)
Les
31 décembre 1916
L’année 1916 se termine un dimanche. Il est
donc difficile de trouver un cachet à date de ce jour là (Fig.11).
Figure 11 :
Cartes de vœux avec Semeuse 5 centimes verte oblitérée par un cachet à date
du dernier
jour de l’année 1916 au type I.