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jeudi 7 janvier 2021

L'apparition du type II de la Semeuse 137

 

La naissance du type II

            La Semeuse 137 est commercialisée le 6 Mars 1907 (le 5 pour les nantis parlementaires) sous la forme de carnet de 40 timbres à 2.05 francs (carnet C1). Quelques jours plus tard, le 19 mars, cette même Semeuse est vendue au détail car imprimée en feuilles de vente. Ces Semeuses sont toutes au même type baptisé le « type I » et il est quasi impossible de les différencier à quelques variétés de galvano près. Les carnets eurent peu de succès car vendus 5 centimes plus cher que la faciale pour amortir le surcout de la confection des carnets. Le 1er Mai 1910, l’administration postale décide d’abaisser le prix des carnets à 2 francs pour écouler le stock des invendus (carnets C2). Ce fut un réel succès et de nouveaux carnets sont fabriqués au deuxième semestre 1910 à partir de nouveaux galvanotypes (carnets C3 et C4). C’est ainsi que naquit le type II de la Semeuse 137. Les spécificités du type II sont décrites dans mon article sur l’année 1910 de mon blog.

La commercialisation des carnets au type II

La date exacte de la commercialisation de ces carnets n’est pas connue à ce jour. On ne peut donc se baser que sur les timbres à date les plus précoces connus pour ce type II. Dans mon précédent article, j’ai indiqué que j’avais trié près de 85 000 Semeuses 137 oblitérées. Ce tri réalisé en fonction de l’année indiquée sur le timbre à date m’a permis, entre autres, d’isoler environ 3600 oblitérés en 1910 et 3300 en 1911. A partir de là je les ai classés par mois d’oblitération quand cela était lisible. J’ai ainsi conservé 2697 timbres de 1910 et 2412 de 1911. La répartition mensuelle de ces timbres est présentée dans la figure 1. On retrouve une utilisation quasiment doublé en janvier et décembre en raison de l’afflux de cartes de vœux comme en 1908. Si l’on exclut les mois de janvier et décembre, on trouve une moyenne de 190 timbres par mois en 1910 et de 172 en 1911 ce qui est comparable. D’autre part la répartition mensuelle est homogène confirmant que le vrac de timbre initial est représentatif de la consommation réelle.



Figure 1 : répartition mensuelle des timbres oblitérés en 1910 et 1911

 

            A partir de ce tri mensuel, j’ai recherché les timbres au type II pour chaque mois et plus particulièrement en 1910 afin d’identifier les dates les plus précoces. Il s’avère que les premiers timbres au type II apparaissent en septembre 1910 (fig.2). La meilleure date est celle montrée par "penbe44" du "forum indépendant des collectionneurs" sur une carte postale du 15/9/1910 (fig.3). Pour en connaitre la date exacte, seule des fouilles « archéologiques » dans les archives de l’administration postale permettraient peut être de retrouver un courrier indiquant le jour de mise en vente de ces carnets. Leur proportion est faible ce mois-là puis augmente régulièrement jusqu’en fin 1910 (fig.4).

 


Figure 2 : Premières Semeuses 137 au type II oblitérées entre le 26 et le 30 septembre 1910

 



Figure 3 : Semeuses 137 au type II oblitérées le 14 septembre 1910

 


 
Figure 4 : Répartition mensuelle des Semeuses 137 au type II oblitérées en 1910

 

            Le nombre de Semeuse au type II est faible chaque mois comparativement à celles au type I montrant ainsi que les carnets se vendaient beaucoup moins que les timbres au détail. D’autre part il convient de calculer les pourcentages pour chaque mois afin de voir l’évolution de cette proportion (fig.5). En septembre et octobre on constate que le pourcentage de Semeuse 137 au type II augmente (bleu clair) puis se stabilise en novembre et décembre (bleu vif). On utilise proportionnellement 5 à 6 fois plus de timbres de carnet en décembre par rapport à septembre. En fait cette proportion est atteinte dès le mois de novembre indépendamment de l’accroissement du trafic postal de fin d’année.

 

Figure 5 : Pourcentage des Semeuses 137 au type II oblitérées en 1910

 

Les ventes de carnet en 1911

            Pour affiner l’analyse, j’ai passé au crible les timbres oblitérés en 1911 de la même façon que précédemment (fig.6).

 

Figure 6 : Répartition mensuelle des Semeuses 137 au type II oblitérées en 1911

 

            A la lecture de ce graphe on constate que i) le pic de courrier de janvier est présent et le nombre de Semeuse au type II augmente en conséquence, ii) le mois de décembre est moins élevé que d’habitude et iii) le mois d’octobre présente une proportion de Semeuse 137 au type II anormalement faible. Afin d’avoir une lecture sur la durée, j’ai juxtaposé les pourcentages des Semeuses au type II de 1910 et de 1911 (fig.7).

 

 
Figure 7 : Pourcentage des Semeuses 137 au type II oblitérées en 1910 et 1911

 

            Les histogrammes en bleu clair correspondent à la montée en puissance de la consommation des types II et donc des ventes des carnets C3 et C4. Du mois de novembre 1910 au mois de juin 1911 (bleu vif), on a une moyenne de 8.6% des timbres en circulation qui proviennent de ces carnets. Un troisième palier est franchi à partir de juillet 1911 (bleu foncé) où cette valeur moyenne monte à 13.5 % si l’on exclut le mois d’octobre « atypique ». Sur l’année 1911 complète, on a environ 10.2% de timbre au type II (mois d’octobre inclus).

            La mauvaise réputation des carnets de timbres vendus en 1907 avec un surcout de 2% (2.05 francs pour 2 francs de faciale) est restée marquée dans les esprits et il a fallu plus d’un an après l’annulation de ce surcout (mai 1910) pour que les habitudes changent et que les clients en achètent de nouveau. Toutefois leur utilisation n'est que limitée puisqu'à 15% maximum de l'ensemble des Semeuses 137 utilisées en 1911.

mercredi 30 décembre 2020

Que faire des bottes de timbres ?


Trouver le chopin caché dans une botte de timbre

            Quel philatéliste n’a pas passé un temps fou à analyser des bottes de timbres ? On l’a tous fait avec le secret espoir de dénicher LE « chopin » …

Alimenté par ce secret espoir, j’ai, au fil des années, accumulé des Semeuses 137 en vrac et/ou en bottes en fonction des opportunités qui se présentaient. Le problème c’est que cette accumulation commençait à prendre de la place surtout quand on a plus de 85 000 Semeuses oubliées dans des pochettes cristal ou des boites de formats divers et variés.

 

Quelle méthodologie utiliser pour trier ?

Etant donné le contexte COVID et les limitations de déplacements qui vont avec, j’ai décidé de me plonger une bonne fois pour toute dans le rangement de cette accumulation anarchique de la Semeuse 137. Les premières questions qui me sont venues à l’esprit étaient :

1)     Comment m’y prendre ?

2)     Quels critères de détermination doivent être prioritaires ?

3)     Que vais-je retirer de tout cela après des journées passées sur ma loupe ? On pourrait aussi parler de « retour sur investissement »

Si l’on prend un peu de recul, on sait tous que ceux qui ont passé du temps à décoller les timbres de leur support (initiative pas toujours pertinente d’ailleurs) puis à les faire sécher et à les ficeler par bottes de 100 timbres ont aussi pris le temps de les regarder pour conserver les plus belles variétés d’impression (gros rocher, longue chenille, gros décalage de perforation …). Le plus réaliste est de trouver un type rare pour les Semeuses qui en possèdent beaucoup telles les Semeuses 15 c lignées ou les 25 c camées. Manque de chance, la Semeuse 137 ne possède que 2 types connus à ce jour donc peu d’intérêt d’analyser des vracs de cette dame verte. Cela élimine au moins cette clé de détermination comme critère premier.

Un des intérêts potentiels de trier du vrac peut être de rechercher des variétés de galvanos (type ou service) mais dans ce cas il faut les connaitre à l’avance. Certaines sont connues pour les feuilles de roulettes et/ou de vente tout comme pour les carnets mais le retour sur investissement est faible d’autant plus qu’il faut passer beaucoup de temps sur chaque timbre. Si l’on considère qu’il faut 1 minute (minimum) par timbre pour le manipuler et l’observer correctement, cela signifie 85 000 minutes d’observation soit 1416 heures. A raison de 4 heures par jour grand maximum (au-delà mes yeux sortent de leurs orbites) il m’aurait fallu 354 jours !!!! N’étant pas à la retraite (si je le suis un jour ?), j’ai donc aussi éliminé ce critère comme première clé de détermination.

Un autre intérêt potentiel de faire ce tri est d’isoler les variétés d’impression mais comme indiqué plus haut, les plus belles ont déjà été récupérées par les premiers propriétaires de ces timbres et j’en possède déjà de nombreuses dans mes albums. A la limite j’aurai pu envisager la recherche des impressions « recto-verso » souvent oubliées mais là encore le retour sur investissement est quasi nul d’autant que j’en ai déjà en stock. Quant à la recherche de marques postales, je ne suis pas un bon marcophile donc j’étais sûr de passer à côté des pièces intéressantes. Un peu désespéré de ne pouvoir trouver un intérêt à trier ces bottes sans y passer un temps démesuré, j’envisageais soit de faire du « scrapbooking » avec mes Semeuses en vrac soit de les laisser là où elles étaient soit de les vendre en ligne à l’euro symbolique !

C’est en réactualisant mes albums de la Semeuse 5 centimes verte pour faire les différents articles publiés sur ce blog par année de parution que l’idée m’est venue de trier mon vrac en fonction des années indiquées sur les timbres à date. Cette première clé de détermination présente l’avantage de :

1)  M’obliger à ranger tous les timbres dans un même système de stockage (les grandes boites carrées de Ferrero qu’affectionne mon épouse sont parfaites)

2)  Repérer rapidement sur chaque timbre les variétés d’impression significatives

3)  Identifier des dates intéressantes (25-12, 31-12, 1-1, dates historiques …)

4)  Étudier les variations d’utilisation de ce timbre en fonction du temps

5)  Observer les variations de teintes et de papier au cours des années

6)  Isoler les rares préoblitérés ou belles variétés « oubliés par les anciens »

 

Le retour sur investissement

Si l’on fait un calcul rapide en partant des hypothèses que

1)     Cette Semeuse a été commercialisée pendant 161 mois (Mars 1907 à juillet 1921),

2)     Les 2/3 des timbres à dates ne seront pas lisibles,

3)     J’ai 85 000 timbres à trier

4)     L’observation de chaque timbre sera rapide (10 secondes par timbre),

on peut en déduire que l’on doit avoir environ :

2 000 timbres par année de commercialisation,

176 timbres par mois de commercialisation,

5 timbres par jour calendaire,

118 heures d’observations sont nécessaires ou 30 jours (4 h/jour).

 Bien entendu il s’agit de moyennes mathématiques qui ne tiennent pas compte des évènements sociétaux qui influent fortement sur l’utilisation des timbres. En revanche, ce vrac étant conséquent en nombre et constitué à partir d’origines très diverses, on peut émettre l’hypothèse qu’il est représentatif. Au regard du temps passé à faire ce tri, le retour sur investissement est correct.

 

Les premiers résultats

            Dès le début du tri j’ai décidé par année, j’ai décidé de jeter les timbres trop abimés et de mettre de côté systématiquement les « variétés » facilement détectables telles que les :

1)     Chenilles,

2)     Pétouilles,

3)     Rochers,

4)     Piquages +/- décalés,

5)     Marques postales atypiques à mes yeux

6)     Dates notables (25/12, 31/12, 1/1 …)

7)     Impressions dégradées ou très belles

8)     Perforés

Au final, je me suis retrouvé avec un peu plus de 3300 « variétés » isolées (4% des timbres triés) et 35 % des timbres avec une année lisible sur l’oblitération (Fig.1).

 


Figure 1 : Répartition du vrac de timbre en fonction de la lisibilité de l’année d’oblitération (+/- Cachet à date)

 

La deuxième information obtenue fut la répartition par année qui n’est pas homogène en raison de la période étudiée. En effet, on observe très clairement que de 1908 à 1913, ce timbre est très utilisé avec une moyenne de 3300 timbres trouvés par an (Fig.2). Pour mémoire, ce timbre est essentiellement utilisé pour l’envoi d’imprimés, de cartes de visites, d’échantillons ou de cartes postales (5 mots de politesse).  

En 1914 on ne trouve que 2700 timbres soit un peu plus des 3/4 de la valeur moyenne précédente. Ce fléchissement est tout à fait logique car la « grande guère » est déclarée en Septembre d’où la perte d’un trimestre sur l’année puisque les activités commerciales sont bloquées et le « tourisme » aussi.

De 1915 à 1921, la valeur moyenne est de 690 timbres soit 21% de la valeur trouvée entre 1908 et 1913. Là encore, la chute de l’activité économique du pays et sa lente remontée après-guerre ainsi que le changement de tarif de 1920 expliquent ces valeurs. Il est intéressant de noter de 1918 est l’année la plus basse avec un plus de 10% de la valeur optimale. De nos jours, on arrive à trouver des feuilles de vente ou de roulette entières de la Semeuse 137 avec le millésime 3 ou 4 et difficilement avant ou après. Cela est cohérent avec le fait que ses années là correspondaient à des maximums de production mais leur écoulement s'est révélé plus difficile en raison de la guerre de 14-18.

Au-delà de 1921, ce timbre est utilisé de façon « anecdotique » (60 timbres) car retiré des bureaux de vente le 15 Juillet et dès 1920 les cartes postales ne sont plus à 5 centimes même avec 5 mots de politesse.

 


Figure 2 : Répartition du vrac de timbre en fonction de l’année d’oblitération

 

 La commercialisation de la Semeuse 5 centimes verte en 1907

            D’après la figure 2 on constate que le nombre de timbres oblitérés est en basse (888 contre 3300 en moyenne les années suivantes). Une partie de l’explication vient du fait que la commercialisation n’a débuté que début Mars 1907 donc seulement 10 mois de vente sur 12 mais ce n’est pas le seul paramètre sinon nous aurions environ 2750 timbres. Les tarifs postaux des imprimés, des journaux, des papiers d’affaire et des cartes postales ne changent guère entre 1907 et 1908 donc la variation brutale vient d’ailleurs. En fait, le type Blanc à 5 centimes que remplace la Semeuse 5 centimes verte est encore présent en grande quantité en Mars 1907. Il est donc écoulé préférentiellement tant par les bureaux de poste que par les professionnels qui en ont en stock.

Pour affiner l’analyse, j’ai aussi classé les timbres avec cachet de 1907 et 1908 par mois. Sur les 888 timbres disponibles en 1907, seuls 712 avaient un mois lisible sur le cachet soit 80% et en 1908 on passe de 3240 à 2226 soit 69%.

Si l’on regarde de plus près la répartition mensuelle des timbres en 1907 (Fig.3), on constate que la Semeuse 5 centimes verte est très peu utilisée sur jusqu’au mois d’Aout 1907. Sa consommation augmente de façon exponentielle à compter du mois de septembre pour atteindre son pic en fin d’année où de nombreuses cartes de vœux sont envoyées … et corrélé à l’épuisement du type Blanc.

 


Figure 3 : Répartition mensuelle de l’utilisation de la Semeuse 137 en 1907

 

 Si l’on regarde l’utilisation mensuelle de la Semeuse 137 en 1908 (Fig.4), on se rend compte qu’il existe 2 pics en Janvier et décembre correspondant à l’accroissement du trafic postal dû aux cartes de vœux. La moyenne mensuelle est de 185 timbres par mois mais si l’on exclut les 2 mois extrêmes (375 en janvier et 291 en décembre), on tombe à 156 de moyenne donc les cartes de vœux génèrent un doublement du trafic postal affranchi à 5 centimes.

 


Figure 4 : Répartition mensuelle de l’utilisation de la Semeuse 137 en 1908

 

La comparaison 1907 et 1908 montre que les mois de décembre 1907 et janvier 1908 sont comparables. De plus, le mois de novembre 1907 est comparable à celui de 1908 donc on peut affirmer que la Semeuse 5 centimes verte a atteint son régime de croisière en Novembre 1907, le temps que les types Blancs soient écoulés.

 

La fréquence des Semeuses 5 centimes vertes avec cachet à date de 1907

            A la vue de ces résultats, on comprend mieux pourquoi il est difficile de trouver des Semeuses 5 centimes vertes oblitérées le premier semestre 1907. Pour le mois de mars, on pourrait émettre l’hypothèse que les « anciens » avaient récupéré ces timbres là lors de la préparation des bottes car proches de la date d’émission mais cela ne tient pas pour les oblitérations des mois suivants. Ces oblitérations du premier semestre sont donc réellement rares d’où l’intérêt de bien les conserver. Maintenant il ne me reste plus qu'à analyser l'apparition du type II en 1910, les transitions de papier tout au long de la production de ce timbre, les variations de couleurs avec notamment la fameuse teinte bleue ... bref je n'ai pas fini de regarder de près ce stock de timbres oblitérés.